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Hervé Paluche
3 juillet 2008

Catherine Germain

i221

Sur scène, un homme s'avance dans la lumière.
C'est un acteur. Il est dans la conscience :
de l'ombre dont il vient de se séparer,
de sa faiblesse,
de son désir,
de sa peur,
de cette autre réalité qui l'attend,
de ces fantômes qu'il porte en lui et qui ne demandent qu'à revenir.
Il transporte des pensées dans sa chair.
Il incarne ce qui le traverse, là dans l'instant de son rapport au public.
Rien n'est à lui. Tout passe par lui.
La parole qu'il porte en lui, c'est une parole à venir.
Des mots, des idées qui peu à peu vont s'articuler comme s'articule le squelette qu'il est, son être d'os, mémoire d'un peuple de fossiles qui a existé avant lui et qui existera après lui.
Ce qui atteint le public, c'est ce lieu fragile où l'acteur évolue, à la frontière entre l'art et la vie, tout ce qu'un homme, assis, debout, couché, en larmes, silencieux, fatigué, le bras tendu à mi-chemin entre les étoiles et les cintres d'un théâtre… peut penser.
Pour que cette pensée circule librement, il ne faut pas que l'acteur se l'approprie. Il doit rester un lieu. Ouvert en son centre.

L'engagement de l'acteur est de l'ordre du plaisir, pour qu'entre lui et le public, à travers l'œuvre qu'il sert, un sens prenne vie. Il est témoin, spectateur à sa façon des courants qui l'habitent. Il s'engage sur scène parce qu'il est heureux, délivré des analyses de texte et de la charge d'exister. Il lit le présent sans l'interpréter, sans mettre la main dessus.

Le silence était la preuve que j'étais en train de développer une forme de présence au monde.
J'ai eu plus d'une fois la sensation que le public était reconnaissant d'entendre dans un acteur une solitude sauvage, prélude à des actes neufs.
Pour ma part, le théâtre n'est pas un but.
C'est un chemin. Ce qui me donne l'avantage du temps. La patience
Le public n'a rien à attendre du théâtre si l'acteur laisse son âme au vestiaire. L'engagement de l'être est là, dans un corps qui parle, dans une parole qui s'incarne parce que l'acteur se donne comme lieu d'échanges, comme place publique. Entièrement. Sans arrière-pensées.
Il réconcilie l'individu et le nombre.
Il aide chacun des spectateurs à devenir le public. Mais encore une fois, sans s'interposer.
Dans son isolement, il a un sens aigu de la communauté. Art de l'effacement, de la disparition.
Écouter quelque chose d'autre que nous-mêmes, donner des jambes à une pensée qui voyage.

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